DJERBA et les traditions locales ! De l'authenticité au XXIème siècle toujours présente !

Publié le par Une autre vie !

Mariage à la jerbienne

Certaines traditions demeurent tenaces opposant leur intemporalité aux à-coups d'une modernité ,jugée souvent envahissante par des autochtones, attachés à la perpétuation des rites et des coutumes ancestraux. Dans l'île des lotophages, le mariage continue, ainsi, à être célébré dans la tradition la  plus stricte, régi par un code social immuable. La ville de Mezraya en est un témoignage vivant.

 

 Dans cette cité, les habitants veillent à respecter les rites ancestraux transmis de génération en  génération et qui s’enchaînent dans un ordre bien précis, ponctuant les festivités célébrées sur  plusieurs jours. Toutefois, un petit retour en arrière s’impose pour comprendre comment s’effectue le choix de l’heureuse élue. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas le prétendant mais  sa mère, sa tante ou sa sœur qui choisissent généralement celle qui sera introduite dans leur famille  pour en faire partie intégrante. Conscientes de cette règle implicite, les jeunes filles à marier se  parent alors de leurs plus beaux atours pour se montrer sous leur meilleur jour et s’exhiber au cours  des cérémonies de mariage. Le choix effectué, la mère du prétendant accompagnée des tantes et des  sœurs se rendent au domicile de l’élue choisie, avec des friandises, pour un premier contact et  présenter leur demande en mariage en bonne et en due forme. «On se rend au domicile de la  prétendante en titre avec un paquet de sucre afin que la relation soit «sucrée» et qu’elle démarre  sous de bons auspices», explique une habitante de la cité. Quelques semaines après, c’est autour des  hommes des deux familles de se rencontrer, cette fois-ci, à la mosquée pour la fameuse cérémonie  du «chart» au cours de laquelle le père du marié remettra une somme importante, environ trois  mille dinars, enveloppé dans un mouchoir brodé et enrubanné et qui constituera la future dot de la  mariée». «On remet, outre, cette somme, des feuilles de henné également», poursuit l’habitante.  Après avoir officialisé la relation, les familles décideront, au cours d’une autre rencontre de la date  et des préparatifs du mariage. Un mois avant les noces, la mariée se cloître dans une chambre du  menzel pour ne plus en sortir qu’à de rares occasions, couverte de la tête aux pieds afin de ne pas  s’exposer au soleil. Outre le fait d’être soumise à un régime alimentaire très riche à base de tartines trempées dans de l’eau et du sucre et de friandises (chamia, miel...) pour qu’elle prenne de  l’embonpoint,une parente prend quotidiennement soin d’elle et lui pratique toutes sortes de masques à base de miel et d’argile douce, afin de lui rendre son teint laiteux.

Tadhrifa
et enterrement
de la vie de garçon

 Le jour J, la célébration proprement dite du mariage s’effectuera suivant plusieurs rites. Dès le  premier jour, les festivités battent leur plein dans les haouach des deux prétendants. Dans la  matinée, la mère du marié accompagnée de ses sœurs, de ses tantes et d’un petit garçon se rendent  au domicile de l’heureuse élue avec un couffin rempli de friandises, d’œufs et de feuilles de henné  dans lesquels une bague a été glissée.Accueillis avec force youyous et chants, le petit garçon est  directement conduit avec le panier dans  la chambre de la jeune fille couverte d’un safsari.Là, c’est à  lui qu’incombe la charge de trouver la bague et de la glisser ensuite au doigt de la prétendante. Le  soir, au cours d’une soirée appelée tadhrifa  animée par des femmes, qui  tard dans la nuit,  scandent des chants traditionnels, accompagnés d’instruments, à l’instar de la darbouka, sœurs, cousines et tantes dessineront sur les mains et les pieds de la jeune fille de délicats motifs avec le henné ramené par les proches du marié. Le second jour correspond à la cérémonie du hammam pour le jeune marié, au cours de laquelle il enterre sa vie de garçon. Accompagné des proches de son entourage et de son ouzir choisi  parmi ses cousins et qui est chargé de s’occuper de tous les détails de la cérémonie, le jeune marié passe une partie de la journée à s’amuser, à se promener en ville et à se rend au café où il offre la  tournée à ses compagnons. Le soir même, des proches de son entourage se rendent au domicile de la  mariée pour lui offrir des tissus et des tenues traditionnelles richement brodées qui serviront à  compléter son trousseau.Tard dans la nuit, après avoir regagné le menzel familial, le marié, aidé de ses compagnons, de ses proches et du  jahhaf, commence à apprêter et à décorer un chameau loué  au prix fort (trois cents dinars la soirée) qui sera richement harnaché, pour être, par la suite, conduit  jusqu’au domicile de l’élue. Vers deux heures du matin, la mariée vêtue d’un  hram prendra place  dans la jehfa, sorte de support circulaire fait en bois et recouvert de tissus bariolés et qui a été  solidement installé sur le dos de l’animal. Les voix des femmes qui forment le cortège, avec, à leur tête,  la mère et les sœurs de la mariée, s’élèveront, alors, dans la nuit pour chanter des complaintes, accompagnant la marche nonchalante du chameau.Le frère de la mariée l’interrompra trois fois pour  faire boire à sa sœur de l’eau douce contenue dans une jeddioua. Dès son arrivée, la mariée et  son cortège sont chaleureusement accueillis par les parents et les occupants de la grande maison  familiale. La mariée est directement introduite dans sa chambre joliment décorée à son intention. Là,  une coutume veut que le beau-père asperge sa tête de quelques gouttes de zhar  afin de lui porter  chance, tandis que sa belle-mère lui sert du miel pour que les relations soient harmonieuses entre  elles. «Un échange se fait entre la belle-mère et la belle-fille. Celle-ci met du miel dans le creux de  sa main et la tend vers sa belle-fille qui devra la lécher et vice-versa»., explique F., une jeune mère  au foyer, habitant dans la cité. Après un repos bien mérité, cousines, tantes et sœurs du marié  défileront tour à tour dans la chambre pour servir des friandises et être aux petits soins pour la  nouvelle occupante qui fait désormais partie de la famille. «Le marié ne pourra ni voir ni parler à  la mariée, poursuit une autre habitante. Ce n’est qu’à la fin de la journée qu’ils pourront se  rencontrer». Les festivités se poursuivent.

L’œuf, symbole
de fertilité

En début d’après-midi, place à la barboura. Ce rite très ancien, pratiqué par le marié, consiste à  effectuer trois tours autour d’un olivier pour bénéficier de la protection et de la bénédiction liés à cet  arbre sacré. Ensuite, muni d’une tige, il frappera de légers coups trois petits garçons  « pour qu’à leur  tour ils puissent, dès qu’ils grandiront, se marier très vite», observe F. Après la barboura, le marié regagnera le domicile familial, accompagné de youyous, de poèmes et de chansons de ses  proches. Là, il s’introduira dans la chambre nuptiale où il partagera un œuf avec la mariée, symbole  d’abondance et de fertilité. Un plat traditionnel m’hamssa préparé à base de pâtes, de pain et  d’organes d’un jeune veau (cœur, oreille, langue, yeux) leur sera également servi à l’intérieur. «Les  mariés doivent effectuer plusieurs tours autour du récipient, raconte Fatouma, une dame âgée  habitant la cité. Ils doivent ensuite manger et partager le cœur, les oreilles et les yeux, afin que  chacun n’aient d’yeux et d’oreilles que pour l’autre et qu’ils s’aiment indéfiniment ». Le marié  quittera à nouveau la mariée pour la laisser en compagnie de sa mère, de ses soeurs et des femmes  de son entourage qui vont la préparer pour la cérémonie de la jeloua. C’est vêtue d’un  magnifique beskri rouge, tissé avec des fils d’or, le cou, les bras et les pieds ceints de bijoux  somptueux (mahboub, wachwach, kholkhal, rihana...), que la mariée  sera conduite, plus tard,  jusqu’au vaste patio du menzel où elle sera présentée aux invités, parée de ses plus beaux atours et ressemblant à une princesse du désert. Les festivités prendront, ainsi, fin de la plus belle manière,  laissant en mémoire de merveilleux souvenirs, et préservant intacts les rites et les coutumes.
Imen HAOUARI pour le Journal LA PRESSE du 18/08/2007

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